Un entretien avec Rema Jamous Imseis, Représentante du HCR au Canada
« Ça commence toujours par une personne qui tend la main vers l’autre. »
Par Daviel Lazure Vieira
Un soir, lors d’une mission au Maroc pour en apprendre davantage au sujet d’une nouvelle route empruntée par les demandeurs d’asile et les migrants par le détroit de Gibraltar pour se rendre jusqu’en Espagne, Rema Jamous Imseis s’est assise pour un modeste repas en compagnie de Jean-Paul Cavalieri, le Représentant du HCR au Maroc.
Ils étaient les invités d’un prêtre français qui dirigeait une petite église du nord du pays, offrant un abri et de la nourriture à celles et ceux qui passaient par là. Autour d’eux se trouvaient de nombreux jeunes, venus des quatre coins du continent africain. Ils avaient préparé un repas très simple ; c’était l’une de leurs tâches durant le séjour, question de redonner à leur façon à la petite communauté créée au sein de l’église.
Ces jeunes gens ont ensuite raconté leurs histoires. Ils leur ont raconté comment ils s’étaient retrouvés dans ce petit coin de l’Afrique du Nord, le regard porté vers les rives de l’Espagne, évoquant les sacrifices qu’ils avaient dû faire en empruntant le chemin jusqu’ici — laissant tout derrière eux à la recherche d’un avenir plus radieux.
« Ce fut l’une des plus belles leçons d’humilité de ma carrière à l’ONU » explique Rema. « Et c’est quelque chose qui reste profondément ancré en moi.
Personne ne décide d’abandonner sa maison, sa famille, tout ce qui nous est familier, pour se mettre en situation de danger. Quelque chose nous force à prendre cette décision — le désespoir, la persécution, la violence.
Personne ne choisit de s’assujettir à l’horreur et de prendre des risques comme ces jeunes l’ont fait durant leur périple.
Personne ne voudrait voir ses propres enfants dans des embarcations de fortune, personne ne passerait des jours entiers à marcher dans des conditions périlleuses si ce n’était le seul moyen de survivre.
Et quand vous comprenez ça — qu’il s’agit d’êtres humains à la recherche de sécurité et d’une vie meilleure pour eux-mêmes, et pour celles et ceux qu’ils aiment — vous les comprenez, et vous comprenez leurs luttes. »
« Quand vous comprenez ça — qu’il s’agit d’êtres humains à la recherche de sécurité et d’une vie meilleure pour eux-mêmes, et pour celles et ceux qu’ils aiment — vous les comprenez, et vous comprenez leurs luttes. »
Rema Jamous Imseis est née et a grandi à Toronto, au Canada. Ses parents sont arrivés du Moyen-Orient au début des années 1970, peu après leur mariage.
Elle fait ses études universitaires de premier cycle en science politique et en histoire à l’Université McMaster à Hamilton, puis se rend à Halifax pour étudier le droit à l’Université Dalhousie. « J’ai toujours été curieuse d’en savoir plus au sujet de la politique canadienne et internationale. Je saisissais toute occasion d’interagir avec le monde et l’actualité du moment ; c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé » explique-t-elle.
Après avoir obtenu son diplôme en droit, elle fait un stage à Toronto et rejoint ensuite l’équipe du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario en tant qu’avocate plaidante à la division des services juridiques, où elle travaille sur des cas liés à la liberté de l’information et la protection de la vie privée.
En janvier 2003, Rema déménage à Gaza, où elle travaille pour une ONG locale et se familiarise avec un certain nombre d’agences de l’ONU œuvrant dans la bande de Gaza. En juillet de la même année, on lui offre un rôle au sein du Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, une mission sur le terrain du Département des affaires politiques de l’ONU. D’assistante spéciale à conseillère juridique, elle travaille sur de nombreuses réformes législatives et des initiatives de soutien, d’abord à partir de Gaza, puis de Jérusalem.
Après un passage à Edmonton alors que le printemps arabe fait les manchettes dans le monde entier, Rema redéménage à Jérusalem à l’automne 2011. Peu de temps après, elle obtient un poste auprès du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). En quelques mois seulement, elle devient la Cheffe du bureau au Caire, en Égypte, à partir duquel elle couvre 22 pays, déployant le personnel pour mettre en place des équipes et soutenir les interventions d’urgence à travers la région, du Yémen à l’Irak, de la Syrie à la Libye.
C’est alors qu’elle travaille sur le Sommet mondial sur l’action humanitaire en 2016 en tant que présidente du comité de direction régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord qu’elle est approchée par le HCR et décide de se joindre à l’équipe comme Directrice adjointe du Bureau pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Genève.
« À travers mes missions dans la région et le temps passé sur le terrain, l’expérience m’a appris que même en observant les pires situations de déplacements forcés et de graves violations des droits de l’homme, le meilleur de l’humanité transparaît aussi, et on voit à quel point les gens se mobilisent rapidement pour offrir de l’aide. Les instincts primaires que sont la compassion et la solidarité prennent le dessus » affirme Rema.
« Ça commence toujours par une personne qui tend la main vers l’autre, et puis ça grandit. C’est peut-être un cliché, mais je crois que cela peut avoir un profond impact et changer le cours de la vie de quelqu’un. C’est très émouvant d’être témoin de telles choses et d’y participer — ce cycle de don, de soutien de l’un envers l’autre, afin de trouver ce qui nous unit et ce qui est commun à notre humanité. »
« C’est très émouvant d’être témoin de telles choses et d’y participer — ce cycle de don, de soutien de l’un envers l’autre, afin de trouver ce qui nous unit et ce qui est commun à notre humanité. »
Trois ans plus tard, il était temps pour elle de rentrer à la maison avec son mari et ses trois enfants. Le 27 janvier 2020, Rema Jamous Imseis a pris ses fonctions en tant que Représentante du HCR au Canada.
« En tant que Canadienne de première génération ayant grandi dans ce merveilleux pays et appris les principes de justice, d’égalité et des droits de l’homme à travers l’étude de la Chartre des droits et libertés, je suis fière d’avoir la chance de défendre les valeurs et les principes qui sont au cœur de notre travail. Je suis très reconnaissante de cette opportunité de consolider notre engagement avec le Canada et le monde. »
Vous voulez soutenir les réfugiés? Faites un don au HCR Canada ici.